Si les choix des changements organisationnels et technologiques et leurs transcriptions dans une politique de gestion des ressources humaines sont largement définis par les directions des entreprises et administrations, les salariés sont également actifs dans les changements. Ils peuvent en être acteurs, dans la mesure où les choix managériaux sont en général portés par une partie des salariés qui vont participer à leur définition. Ils peuvent aussi y contribuer par leur engagement ou leur résistance à ces changements, attitude qui pourra être différenciée selon la position qu’ils occupent dans l’entreprise, leur horizon temporel, leurs perspectives d’évolution ou la manière dont le changement est conduit. Enfin, les changements organisationnels et technologiques peuvent être eux-mêmes une conséquence des évolutions dans la structure de la main d’œuvre, lorsque les organisations doivent s’adapter au vieillissement démographique, à l’arrivée de générations porteuses de valeurs différentes, à un turnover non maîtrisé ou une pénurie de main d’œuvre.
Certaines catégories de salariés, les moins qualifiés, les plus âgés, les plus précaires, sont plus vulnérables à ces changements. Divers travaux ont montré le caractère biaisé des changements technologiques et organisationnels sur la structure de la main d’œuvre selon la qualification et selon l’âge. Ainsi, on constate une déformation globale de la structure de la main d’œuvre des entreprises qui se réorganisent ou qui se modernisent, en faveur des plus qualifiés et des plus jeunes. Ces derniers bénéficient également davantage des efforts de formation. Par ailleurs, le poids des ajustements est largement porté sur les salariés les plus précaires ou encore, par le jeu des relations interentreprises, sur ceux des fournisseurs ou sous-traitants. Ces processus de sélection des salariés sont cependant différenciés selon la nature du changement adopté. Ainsi, dans les années 90, les changements technologiques et organisationnels n’ont pas forcément joué dans le même sens. Au travers d’une lecture plus fine de la diversité des changements et des modes d’ajustement, on peut tenter de mettre en évidence certaines modalités d’adaptation des compétences plus « vertueuses » que d’autres du point de vue de l’évolution de la main d’œuvre.
Le projet COI-COSA s’organise autour de quatre piliers dont les travaux se font en étroite coordination :
L’idée principale du pilier théorique est que les changements technologiques et organisationnels ont un impact sur la standardisation qui à son tour a un impact sur la division du travail au sein de l’entreprise et avec les partenaires extérieurs. Il s’agira alors d’explorer les arbitrages des employeurs entre formation, recours au marché externe ou externalisation de l’activité ainsi que ceux des salariés, les conduisant à soutenir ou non le changement, à se former ou à quitter l’entreprise.
Le pilier théorique se développera autour de trois axes : une revue de littérature économique et sociologique, la formulation d’un modèle théorique économique et une confrontation des concepts utilisés par les approches sociologique et économique au sein du projet pour analyser les processus de sélection et d’adaptation de la main d’œuvre.
Présentation du pilier Quantitatif :
Responsable : Nathalie Greenan (CEE)
Second : Stéphane Robin (BETA)
Autres participants : ERUDITE / LATTS
Le pilier quantitatif mobilise la base couplée enrichie du dispositif COI 2006 pour analyser les mécanismes internes et externes de sélection et d’adaptation de la main d’œuvre aux changements des organisations. Les analyses construites dans ce pilier mobiliseront les éclairages fournis par les piliers théoriques et qualitatifs.
Dans un premier temps, le pilier va élaborer des mesures des changements des organisations qui seront utilisées dans tous les travaux quantitatifs. On distinguera les changements dans les outils des changements dans les structures organisationnelles, on cherchera à identifier les processus de standardisation du travail en lien avec la mise en œuvre de nouveaux outils. On s’attachera également à tenir compte, au-delà de l’information fournie par les employeurs des perceptions des salariés sur les changements dans leur environnement de travail. Des mesures comparables seront élaborées pour les secteurs privés et publics.
Un second temps sera consacré à l’analyse approfondie de quatre mécanismes d’adaptation et de sélection de la main d’œuvre mis en œuvre par les employeurs privés et publics. Parmi les mécanismes internes, nous allons examiner les pratiques de formation des salariés d’une part et les pratiques d’évaluation d’autre part. Parmi les mécanismes externes, nous nous intéresserons au recours au marché du travail externe et aux changements du périmètre d’activité de l’entreprise via les pratiques d’externalisations/internalisation. Nous chercherons en particulier à identifier s’il existe des profils différents de pratiques en fonction de l’âge, de la qualification et de la mobilité géographique des salariés, les trois groupes des séniors, des non qualifiés et des migrants étant identifiés dans la littérature comme plus vulnérables aux changements. Nous poursuivrons également une analyse comparative des mécanismes d’adaptation entre le secteur privé et le secteur public où les mécanismes de sélection de la main d’œuvre diffèrent.
Un troisième temps de synthèse sera consacré à l’analyse de la complémentarité entre les quatre mécanismes analysés d’adaptation de la main d’œuvre.
En synergie avec le projet COI-COSA, le pilier quantitatif développe aussi des perspectives de comparaison France/Allemagne et France/Norvège.
Présentation du pilier Qualitatif :
Responsable : Pascal Ughetto (LATTS)
Second : Anne-Marie Waser (CEE)
Le pilier qualitatif réalise des monographies et des post-enquêtes faisant des « coups de sonde » dans des processus de changement ou des usages des technologies qui sont restés jusqu’à maintenant peu explorés par les recherches. L’investigation vise moins la représentativité des situations étudiées qu’une compréhension en profondeur, sur des cas précis, des choix de gestion face à des changements technologiques ou organisationnels et de leurs déterminants. Les monographies pourront faire apparaître l’imbrication de ces déterminants, la pluralité des rationalités à l’œuvre, la combinaison de choix que la théorie pourrait considérer comme contradictoires. Elles viendront ainsi nourrir les approches quantitatives et théoriques des résultats ainsi dégagés.
Une monographie documentera une opération d’introduction de la lean production dans une filiale française d’un groupe américain de l’industrie. Une post-enquête s’intéressera à la prise en compte de l’expérience des salariés vieillissant dans les pratiques de gestion des ressources humaines des employeurs faisant face à des changements organisationnels ou technologiques. Une enquête sera conduite pour décrire et analyser les conséquences de l’informatisation du traitement des candidatures dans les pratiques de recrutement des entreprises. Une recherche qualitative s’intéressera à l’inscription territoriale des politiques de personnel associées à la révision générale des politiques publiques dans plusieurs services déconcentrés de l'Etat et à la restructuration d’un réseau d’agences bancaires. Le dispositif COI 2006 sera mobilisé pour fournir des données de cadrage aux travaux qualitatifs.
Présentation du pilier Comparatif :
Responsable : Gilles Jeannot (LATTS)
Second : Danièle Guillemot (CEE)
La comparaison entre les pratiques des employeurs privés et publics et les comportements de leurs salariés est un axe transversal du projet COI-COSA.
Dans les travaux du pilier quantitatif, les employeurs du secteur privé seront comparés aux employeurs publics interrogés dans le cadre de l’extension de l’enquête COI à la fonction publique et aux hôpitaux.
Dans un premier temps, le pilier posera les jalons méthodologiques de la comparaison : comparabilité des unités employeurs de référence, des salariés et des différents questionnaires employeur du dispositif COI. Il dressera également un bilan bibliographique des comparaisons publics/privé dans les champs sociologie et gestion.
Dans un second temps, le pilier contribuera à valider et enrichir l'hypothèse d'une relative convergence sur les modes de gestion et les outillages informatiques et d'une relative différence sur les modalités d'ajustement de la ressource humaine à ces transformations. Il mobilisera pour cela sur les travaux des trois autres piliers.